NON !!! Nous n’abandonnerons ni nos récoltes, ni notre activité agricole

LETTRE OUVERTE A L’INTENTION DU MAIRE, DU CONSEIL MUNICIPAL DE ST JEAN DU GARD ET DE L’OPINION PUBLIQUE.

Monsieur le Maire, mesdames et messieurs du Conseil Municipal de St-Jean-du-Gard,

A la lecture de votre courrier de réponse à l’intention de la confédération paysanne, dans lequel vous considérez que nous sommes des squatters, nous
déplorons votre attitude de déni face à la réalité de la situation. Vous saisissez cette occasion pour nous rappeler doctement comment les hommes, au cours de l’histoire, se sont sociologiquement organisés pour éviter l’anarchie et le chaos, faisant fi de notre statut d’agriculteurs, de notre travail depuis 13 années à la Borie, ce lieu adoré que nous avons patiemment entretenu, ou nous nous sommes mariés, et avons élevé nos six enfants.
A la lecture du jugement qui nous condamne personnellement à la somme astronomique de 21.000 euros par mois et une expulsion par la force publique si nécessaire, vous claironnez sans réserve votre victoire aux Saint Jeannais.
Or, ce jugement, d’une sévérité exemplaire et inédite, nous condamne à perdre à la fois nos récoltes, notre lieu de travail et d’habitation, mais aussi le lieu ou nous avons pleuré nos défunts.
Ce jugement incarne le fruit pourri des relations humaines qui ont conduit à  attribuer le pouvoir aux plus forts. Hélas, vous ne pouvez vous imaginer ce qu’est
la détermination de lions prisonniers de l’arène.
Contrairement à ce que vous affirmez, nous avons payé nos loyers pendant près de deux ans. Lorsque le dernier nous a été retourné au sinistre motif « qu’on n’a plus l’autorisation de les encaisser », nous avons placé cet argent sur un compte, mois après mois, attestations bancaires à l’appui. Ainsi, nous avons pu continuer
à bénéficier des allocations logement que nous avions obtenu dès notre arrivée, parce que nous avions effectivement eu un bail d’habitation. Grâce à cet
argent placé, nous avons réalisé tous les travaux nécessaires pour améliorer nos conditions de logement et de travail, travaux qui auraient du être réalisés par la commune, devenue propriétaire du site. Ainsi, nous avons posé des huisseries en double vitrage, refait des toitures, réalisé des travaux d’isolation en matériaux naturels, posé cheminées et chauffage central, amélioré les installations électriques, les captages de sources, les arrivées d’eau, fait installer deux
ballons d’eau chaude, des lavabos, aménagé et entretenu les bassins, les terrasses agricoles, planté arbres et arbustes, débroussaillé les lisières de forêt, remonté des murs, créé un poulailler, des abris, des treilles, des serres…
Combien de personnes nous ont témoigné leur reconnaissance d’avoir
effectué tout cela ! Combien de clients, de visiteurs, de bénévoles et d’amis continueront à nous témoigner leur soutien !
Contrairement à ce que vous prétendez , nous avons toujours été présents, ouverts et disponibles aux échanges, rencontres et médiations des
Conseils Municipaux successifs. Souvent, c’était à l’initiative de la Confédération Paysanne, syndicat de défense des travailleurs agricoles, auquel nous sommes adhérents depuis longtemps.
Malheureusement, force est de constater qu’aucun de ces nombreux échanges n’a simplement jamais pu aboutir sur la formalisation définitive de la
promesse de bail rural. Pourquoi tant d’énergie consacrée à s’y opposer ? LaCommune aurait pu encaisser de nombreux loyers ! Nous avons fait appel au Sénateur de la circonscription, puis écrit au Président de la République, qui a donné suite : quinze jours après, les signataires des baux, Lucien AFFORTIT, ex-maire et président de la commission Environnement du Conseil Général du
Gard et Michel ANTHERIEU, maire de l’époque, deux représentants de la Confédération Paysanne du Gard et nous-mêmes, avons été convoqués
ensemble à Alès pour exposer le différent au Sous-préfet.
Au terme de l’entretien, ce dernier a conclu qu’il fallait impérativement « régler la situation au plus vite », sommant aux deux élus présents de « concrétiser la promesse de bail » qui selon lui « valait bail, renseignements pris auprès de la DDAF ». Suite à cela, on aurait pu s’attendre à ce que la situation se débloque…
mais rien. Le conseil municipal est resté depuis ce jour campé sur des positions
fermées au dialogue , sourd et muet à la demande de leur autorité hiérarchique.
Pire, il s’est acharné à dénier l’existence d’une entité agricole, bien que des preuves irréfutables d’installation lui soient montrées, et que des invitations à venir voir sur place lui soient maintes fois proposées.
Nous ne comprenons pas que la Justice ait pu aveuglément valider la posture
de la Mairie, malgré les évidences. Nous comprenons à regret qu’il aurait vraiment fallu investir de l’argent pour pouvoir être défendus à la hauteur de nos prétentions, car l’aide juridictionnelle qui nous est accordée ne permet pas à un avocat d’être correctement rémunéré pour défendre un dossier si complexe. Ce fut notre erreur de première instance. Aujourd’hui, notre naïveté nous coûte le prix de treize années passées à avoir travaillé pour presque rien.
Vous n’envisagez pas de projet de reprise pour votre propre compte. Vous souhaitez vendre le domaine à qui veut bien l’acheter. Vous argumentez que la Borie n’est pas aux normes, que votre responsabilité est engagée s’il s’y passait
un accident, que l’eau que nous consommons est impropre, que les bâtiments sont délabrés.
Aussi, nous avons proposé en 2016, au conseil municipal, de réfléchir à la possibilité de nous faire un bail emphytéotique, réglant possiblement
ainsi vos inquiétudes concernant celle de la responsabilité sur le site. De plus, la prise en charge par nos soins de la réalisation des travaux sur le bâti vous permettait assurément d’ôter l’épine financière de votre pied. Cette proposition n’a pas été mise à l’étude, parce que « les Saint-Jeannais n’accepteraient jamais cela », vous avez nous alors répondu. Leur avez-vous seulement posé la question ? Dernièrement, nous avons rencontré un membre de l’association Terre de Liens, association dont le but est d’assurer la pérennité des fermes bio en proposant de racheter des terres pour y maintenir une agri culture paysanne, respectueuse de l’environnement : notre projet y serait éligible, mais cela pourrait prendre plusieurs années avant de concrétiser un achat. Aujourd’hui, nous sommes acculés à fairea appel, sans toutefois être résignés à quitter les lieux le 14 août 2018, date à partir de laquelle il nous faudra payer une amende exorbitante de 21. 000 euros par mois. En effet, ce mois de juillet qui s’écoule trop vite ne nous suffit pas à nous retourner. Vous qui êtes le petit fils d’une famille d’agriculteurs, vous pouvez comprendre que nous ne pouvons nous résigner à perdre toutes nos récoltes, le fruit, sans engin motorisé, d’un travail physique et acharné de plusieurs mois. De mettre à la poubelle toutes nos transformations issues de ces récoltes, qui servent à nourrir des centaines de personnes sur les foires Bio de l’automne et de l’hiver, et pour lesquelles nous nous engageons financièrement chaque année.
D’abandonner, faute de trouver rapidement un hangar suffisamment grand et accessible en camion, notre matériel agricole,notre matériel forain, nos fourneaux, frigos, tables et bancs, emballages, verrerie, vaisselle et ustensiles de cuisson,
nos deux cent ruches, hausses, trappes à pollen, nos quatre mille cadres de ruche
et tout notre matériel de miellerie. Les foires Bio de Paris, Lyon, Grenoble et Marseille représentent 80 % de nos revenus. Ne pas y aller, c’est nous condamner à la faillite, à perdre nos emplacements si chèrement acquis, puis à faire disparaître une entreprise aux valeurs vertu euses de l’agriculture biologique.
Cela implique que même si nous le voulions, nous ne pourrions pas partir le 14 août. Ce que la justice nous contraint à devoir réaliser est proprement impossible.
Si l’exécution de la décision rendue en première instance n’est pas suspendue, nous nous engageons à rester à la Borie avec nos deux enfants scolarisés restant à notre charge, jusqu’au 31 mars 2019. Ceci pour nous permettre d’envisager avec moins de précipitation notre départ, ou mieux encore,de pérenniser sereinement notre installation dans ces lieux jusqu’à notre retraite, si par bonheur une ouverture de votre part nous était proposée.
Nous ne pouvons nous résigner à risquer la vie de nos animaux
et de nos enfants en étant délogés dès le 14 septembre par la force publique à coup de gaz lacrymogène et autres méthodes dissuasives. Nous sommes convaincus que nous pouvons trouver le moyen d’éviter la violence et le trouble à l’ordre public, par la rencontre et l’écoute bienveillante de chacune des parties.
Nous vous souhaitons de prendre le parti de la sagesse, au moment même ou nous prenons celui du courage.
Nous vous demandons de bien vouloir afficher ce courrier devant la mairie, afin que les Saint Jeannais puissent y trouver un écho différent de celui abreuvé par la rumeur.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, mesdames et messieurs les conseillers, nos respectueuses salutations.
Delphine MAILLARD et Patrick PASANAU,
Paysans de La Borie,
le 5 juillet.