Une brochure d’accueil complète pour comprendre un peu comment ça marche quand on a envie de se poser un peu ou beaucoup… Venez nombreux-ses !
Nous vous souhaitons la bienvenue dans ce lieu expulsable !
La Borie – Eté 2018
À partir du 14 septembre 2018 (dans l’état actuel de la procédure), il faut s’attendre à ce qu’une armée d’uniformes piétinent les terres de La Borie. C’est la moindre des choses à savoir quand on passe ce portail, même si on vient juste pour piquer une tête dans le Gardon. « Sans droit ni titre », nous le sommes tous, ici, les habitantes, les habituées, les vieux de la vieille et les pas encore nés. Que nous soyons restés 30 ans, quelques mois, une semaine ou ne serait ce qu’un après-midi, nous sommes nombreux-ses à venir ici sans droit ni titre.
Comment cela pourrait-il être autrement ? Il y a une rivière qui coule gratuitement, des fleurs en libre accès, des oiseaux sans-papiers, des arbres en liberté, des cabanes qui poussent comme des champignons, et des bouquins voyageurs… il y a des filles qui prennent le contrepied de la féminité, quelques mecs qui réfléchissent à leurs privilèges, et autant de personnes qui tentent d’échapper à la binarité des genres. Il y a des enfants qui réinventent la sauvagerie, et des adultes vraiment pas sages, puisqu’ils osent respirer l’air du coin sans en avoir demandé l’autorisation. En plus, il y a des gens tout à fait civilisés qui se baignent à poil, et des poissons qui en oublient de se rincer l’oeil. Ici la morale s’effondre, c’est plus fort que nous. Il y a des herbes folles parmis les simples, des cueilleuses de sensations fortes, et des involontaires à l’enrôlement salarial. Il y a des échanges qui se passent de la monnaie, et des solidarités assez puissantes pour déraciner les fondements de la propriété privée.
Pour autant le paradis n’est pas à notre porte. Parce qu’il y a aussi des souffrances et des incohérences, il y a des blessures et des limites à nos utopies, il y a des gueules cassées de la guerre sociale, des espoirs noyés dans l’amertume, il y a de la folie, avec sa beauté, avec sa noirceur.
Si, comme la plupart d’entre nous, c’est votre vie entière qui ne rentre pas dans les pages étriquées du code civil, si votre existence à elle seule semble être une insulte aux règles de bonnes conduites, si vos convictions sont en résistance à l’appropriation du vivant et la hiérarchisation des individus, et surtout si vous avez de l’énergie à mettre pour soutenir la légitimité des lieux de nondroit, vous êtes ici les bienvenues !
Nous habitons à une trentaine ici, pour la plupart on s’organise collectivement pour la vie au quotidien, mais depuis le rendu du jugement (le 12 juin), ordonnant notre expulsion avec 2 mois de délai et astreinte financière, nous sommes sous le choc, et avons besoin d’un soutien rapide, pourvu qu’il soit en cohésion avec les réalités vécues ici…
Si vous souhaitez passer du temps avec nous ou soutenir l’existence de ce lieu de vie, il y a moyen de faire pleins de choses ! Il est possible d’améliorer les structures collectives, de ramener du matériel, de participer à l’organisation de soirées de soutien, de diffuser de l’information, d’envoyer des lettres pimentées à la mairie de St-Jean-du-Gard (propriétaire du site de la Borie), de discuter avec les habitantes pour se greffer aux stratégies de défense, ou pour construire de nouveaux habitats, en cohérence avec ce qui existe déjà ici. Le temps nous est compté, donc n’hésitez pas à venir… vite !
Pour autant, nous aimerions que l’accueil des nouvelles personnes ne se fasse pas dans la précipitation, qu’on ait le temps de se rencontrer et de tisser des affinités, pour que la confiance s’établisse sur des bases humaines et politiques.
La géographie du lieu
Le site est grand (22 hectares!), essentiellement recouvert de forêt, il y a de quoi y jucher de nouvelles cabanes. La rivière est belle mais régulièrement sujette à des crues plutôt déterminées, donc mieux vaut construire sur pilotis costauds si vous préférez être à coté des berges. Concernant les prairies, jusqu’à présent on privilégie les cueillettes et les pâtures, même s’il y a moyen de s’installer aux abords. Si vous habitez en camion ou en caravane, c’est possible de se garer en haut du chemin, sur un grand terre-plein.
De même, il n’y a pas de place pour garer les véhicules à l’intérieur du site, merci de laisser les voitures en haut (éviter aussi l’épingle à cheveux au niveau du portail, car les voisins galèrent à passer).
Les habitats existants, et les personnes qui y vivent
Plusieurs maisons existent sur ce site. Quand on arrive, la première est celle qui a été investie depuis 2008 par un collectif d’habitants. Il y a eu du turn over dans l’équipe depuis cette période, pourtant, l’état d’esprit n’a pas changé : le fait de squatter est pour la plupart des personnes une nécessité vitale autant qu’une posture politique. Non pas que notre vie en dépend, mais que notre vie y trouve son sens. Cette maison n’était plus utilisée, elle a alors été investie pour un usage collectif. Les lieux sont donc ouverts, mais il est important de rappeler que pour les personnes qui y vivent quotidiennement, garder l’espace agréable et fonctionnel est un investissement de longue haleine… Cela signifie qu’on vous invite à ne pas « consommer » l’endroit et ses ressources, mais à participer à ce que les conditions de vie s’améliorent. Dans cette maison, il y a un sleeping, dans lequel il y a moyen de dormir, et qu’il est souhaitable de cleaner après son passage…
La maison suivante est celle d’une personne qui habite ici depuis 28 ans, depuis la lutte contre la barrage hydraulique, et à la suite de laquelle il a été invité à s’y installer, dans la mesure où il entretiendrait la terre et le bâtis. Ce qu’il a fait pendant toute ces années, en témoignent la beauté de son jardin et de sa maison. Il a été rejoint ici par sa compagne, plus récemment. L’un comme l’autre ont été particulièrement ébranlées par le rendu du procès ordonnant à tous les occupants de quitter les lieux, et cela participe à leur faire perdre confiance en nos capacités collectives de contrer ce jugement. À regrets, ils prévoient de partir avant la fin de l’été.
Les dernières maisons sont utilisées par un couple de maraîchers, installées ici avec leurs enfants depuis 15 ans. Depuis toutes ces années, ils ont la légitimité de vivre sur ces terres, et sont déterminées pour en conserver l’accès. Les terrains qui entourent le bâtis sont réservés aux cultures, qu’il est important de préserver, autour de ces maisons, comme des autres.
Sans oublier les habitats « sans pierres »…
Roulottes, camions, caravanes, cabanes, carabanes, dômes, yourtes, etc.. se multiplient depuis plusieurs années, dans les coins et recoins de la Borie. Merci de prendre le temps de l’approche, de la rencontre, et de respecter ces espaces d’habitation au même titre que les autres… surtout avant de construire une nouvelle habitation à proximité de celles qui existent déjà.
Les espaces collectifs
Depuis plus de 10 ans maintenant, une yourte a été montée, pour y recevoir des évènements publics, et pour un usage collectif. Après quelques incidents d’ordres municipaux et météorologiques, elle a subi un remodelage pour devenir indémontable, puisqu’elle est dotée aujourd’hui d’une structure fixe. À présent, il y a aussi une cuisine extérieure, à proximité. Les équipements peuvent y être améliorés lors de chantiers participatifs (treille devant la yourte, accès à l’eau, rangements…). Cet espace est ouvert à accueillir des discussions, des projections de films, des ateliers, des concerts, tout cela sur une base autogestionnaire et dans la gratuité (exceptionnellement à prix libre lors de soirées de soutien, mais on n’aime pas l’argent donc on est nul pour en gagner).
Si vous êtes susceptibles d’y proposer des évènements, n’hésitez pas à en parler. C’est un lieu qui n’est pas un sleeping, même si ça peut dépanner pour une nuit ou deux. Mais avant d’y dormir, assurez-vous qu’il n’y a rien de prévu d’ordre collectif, et surtout, merci de laisser les lieux encore plus clean qu’à votre arrivée !!
Les enfants
Nous vivons ici avec des petites personnes, appellées plus communément «enfants». Les personnes qui s’en occupent feront peut-être le choix de les préserver de la violence policière, au moment où nous y serons confrontées; en attendant, la Borie est leur domicile, donc ils sont là avec nous. Leur présence nécessite une responsabilité collective, et on vous encourage à les consulter pour des choix qui les concernent… en sachant qu’il n’y a pas grand chose qui ne les concerne pas !!! L’âgisme est une oppression qu’on oublie souvent, merci d’en avoir conscience.
La bouffe
Au niveau alimentaire nous sommes à des années lumière de l’autarcie, alors on utilise encore les magazins du coin pour se ravitailler, merci de participer à l’achat/récup/apport de nourriture. Aussi, nous sommes un certain nombre ici à avoir envie de proposer des menus qui n’excluent pas les personnes vegan. Les produits provenant de l’exploitation animale ne sont pas interdits, pour autant nous ne souhaitons pas qu’ils constituent la base des repas dans les espaces collectifs.
Les outils, le matos
On aura besoin de matériel pour les temps à venir : baches, bois de construction, palettes, outils, tables, bancs, chaises, matelas, draps, couvertures, ordinateurs, papier, peinture, banderoles… et tout ce que vous estimerez opportun à ramener sur place. L’atelier et les lieux de stock du matériel sont des espaces qui restent difficiles à gérer collectivement, nous remercions d’avance les personnes qui s’y investiraient, de consacrer du temps pour améliorer le rangement et la gestion du matos.
Les relations en collectif
La vie à plusieurs relève quelque fois de la haute voltige. Les habitudes de chaque personne n’étant pas toujours facilement conciliables entre elles, la cohésion ne peut exister que si des efforts sont fait pour se comprendre, se respecter, se remettre en question. Et ce n’est pas parce que c’est un lieu ouvert et autogestionnaire que tous les comportements sont admis.
Quand un conflit a lieu, il est quelque fois important de pouvoir en parler avec une tierce personne, voire avec l’ensemble du collectif pour qu’une résolution puisse être trouvée. À ce propos, nous faisons des réunions hebdomadaires, tous les dimanches à 16h, près de la rivière, pour établir des espacestemps d’échanges réguliers entre nous. Peuvent y être abordés des sujets de fonds, d’organisation, ou des questions relationnelles.
La Borie n’est pas hors du monde, même si on le voudrait bien, et les personnes qui s’organisent ici sont aussi traversées par des constructions sociales qui peuvent engendrer des rapports de pouvoir. Pour autant, c’est un lieu où chacune s’efforce de désamorcer ces processus, en refusant les comportements dominants. Plus les dominations sont structurelles (c’est à dire induites par notre socialisation et éducation au sein de cette société), plus elles ont des chances d’être invisibilisées, donc passées sous silence, ce qui les rend d’autant plus opérantes. Par exemple, les dominations de genre ou de race sont partout présentes dans les institutions sociales, au point qu’elles sont devenues banales, intégrées en chacune de nous comme une forme de normalité. Reconnaître cela au sein de nos propres comportements demande un effort, et pas des moindres, parce qu’il doit être renouvelé chaque jour, et surtout chaque soir, d’autant plus quand on a un coup dans le nez, et que tous les vieux réflexes conditionnés socialement rejaillissent.
Faire la fête…
L’existence de moments festifs peuvent être vraiment importants pour se faire du bien, pour décompenser, rire, lacher du lest. Cependant, tout n’est pas permis pour autant, et il nous faut penser à épargner les gens qui ont besoin de repos. De la musique, oui, mais loin des habitations quand il se fait tard. Nous savons toustes que les ambiances alcoolisées peuvent aboutir à des situations désagréables ou à des comportements abusifs, alors nous demandons à chacune de se responsabiliser sur ses consommations, quelles qu’elles soient. Et ce d’autant plus que nous traversons des événements qui nous donnent des raisons d’être éprouvées émotionnellement. Alors pour avoir des discussions intelligentes (voire même constructives !), mieux vaut tenter de différer un échange qui semble mal barré, à un lendemain plus reposé.
Les stratégies
Dans ce contexte de lutte, où nous sommes amenées à nous organiser à plus nombreux-ses, il nous faut porter une attention particulière à nos moyens de communication, autant qu’à nos modes d’action. Entre nous, l’idée n’est pas que les plus grosses voix l’emportent, ni que les gros biscoto aient le derniers mots.
De même en ce qui concerne les stratégies de résistance (ou d’offensive) mises en place. Nous souhaitons la possibilité d’une diversité de tactiques, sans que certaines (les plus guerrières ou les plus citoyennistes) prennent le pas sur les autres.
Les animaux de compagnie
Il y a pas mal de chiens ici, mieux vaut éviter de venir avec les vôtres. Ici, on les aime bien, mais dès qu’il y en a trop ça fait un effet de meute pas toujours agréable. Si vous n’avez pas la possibilité de laisser votre animal ailleurs, on vous demande de porter attention à son comportement (pillage de la bouffe dans les tentes, baston de mâles, concerts d’aboiements, etc.), et d’y remédier. Pour info, il y a des chats-tes, un cheval, des ânes, une chèvre, des abeilles…
Pressions extérieures
Il nous semble important ici de préciser que nous avons subis récemment des menaces et des agressions, par des personnes habitant dans le coin qui sont très réfractaires à nos valeurs et modes de vie. Cela s’est traduit par des menaces, la destruction d’un véhicule garé sur St-Jean-du-Gard, des agressions physiques de personnes supposées habiter ici. Nous espérons qu’avec un nombre croissant de personnes s’investissant à la Borie, nous constituerons une force déterminée à faire face à ces comportements.
Respect du lieu : le propre des geux las…
Ce site a été défendu et protégé du saccage pour des raisons écologiques, et c’est ce que nous devons continuer à faire. Il nous importe que notre impact sur l’ensemble des écosystèmes présents ne soit pas nocif. En matière de détergents (savon, liquide vaisselle, lessive, shampooing…), merci d’utiliser au maximum des produits artisanaux, ou d’origine biologique. Evitez les crêmes solaires, surtout juste avant de sauter dans la rivière !
Aussi, nous vous demandons d’être attentif-ves concernant l’hygiène des lieux collectifs, surtout des lieux de couchages et sleepings : ne pas y faire dormir les chiens pour limiter les invasions de puces, ramener des draps propres ou duvets, faire des machines collectives pour la literie, et s’organiser ensemble pour que les lieux restent accueillants et confortables.
Un dernier mot sur ce qu’on a tout le temps tendance à oublier : les poubelles ! C’est pas drôle de parler de ça, mais c’est encore moins drôle de les ramasser en bords de rivière, ou de devoir faire la navette au village tout les deux jours. On est dans un monde qui nous incite à acheter quotidiennement des tonnes de marchandises, qui se transforment en déchets presque instantanément. C’est la moindre des choses que chacune reparte avec ses poubelles, et ce serait encore mieux s’il y avait une gestion plus collective… des poubelles collectives ! Et ce serait l’idéal, si cela nous poussait à s’interroger sur ce que l’on consomme, et sur des moyens de produire moins de déchets.
Merci de nous avoir lu jusqu’au bout. Vous êtes à présent plus informées de ce qu’il existe ici, en terme de possibles, et de limites. On espère que votre passage ici sera un soutien de plus pour la Borie, et que nous saurons constituer une force capable de faire perdurer ce lieu, en tant que microcosme de liberté et d’anarchie!
POUR NOUS ÉCRIRE :
(on aime bien recevoir des cartes postales)
La Borie de Falguières
30270 SaintJeanduGard
ADRESSE MAIL :
nonauxexpulsionslaborie@riseup.net
ET POUR VISITER LE SITE INTERNET DE LA BORIE :
https://laborie.noblogs.org/