Texte écrit après l’annonce du rendu judiciaire, et publié dans le n°O du fameux « The La Borie Post ». Il a aussi été distribué dans toutes les boites de Saint-Jean-du-Gard…
- Que ces quelques hectares en bord de Gardon ont été sauvés de la noyade projetée par l’État grâce à la combativité d’une partie de la population, soutenue par un élan de solidarité dépassant même les frontières, il y a 30 ans.
- Que les institutions (conseil général puis mairie) ayant acquis par la force les droits de propriété ne savaient plus quoi en faire après l’abandon de leur projet délirant.
- Que pendant des années, le site fut occupé par une succession de gens d’horizons très divers.
- Que l’un de ces occupant.es s’installa durablement, et que dans le silence approbateur des autorités, il entretint une maison,le captage d’une source, les chemins. Il développa une activité d’installateur solaire. Aujourd’hui, il est à la retraite et ça fait 28 ans qu’il habite là.
- Que les institutions propriétaires (conseil général et mairie) parrainèrent un projet (AFPE – Association pour la Formation d’un Projet d’Ecosite à la Borie) porté par des professionnels véreux de l’associatif : usant de main d’œuvre bénévole subventionnée, ils sévirent pendant des années, envisageant même de faire payer l’accès aux plages et le camping. Ils arnaquèrent en outre 1 agriculteur par an pendant 7 ans, les laissant s’installer puis les chassant afin d’empocher à chaque fois les subventions liées à l’installation.
- Que la dernière agricultrice invitée par l’association officiellement gérante a refusé de céder aux pressions exercées pour la faire partir. Qu’elle et son compagnon ont dû se battre des années pour continuer à exercer leur activité. Que depuis plus de dix ans, ils pratiquent une agriculture paysanne en opposition aux modèles agro-industriels, entretiennent maisons, jardins, bassins, sources…
- Que ces dernières années de nombreuse personnes se sont installées, ouvrant un espace de rencontres, débats,concerts, projections…ouvert à toutes et gratuit. Des centaines de personnes s’y sont croisées, ont échangé,développé des solidarités dans des domaines aussi variés que la santé, l’anti-psychiatrie, le féminisme,l’autonomie alimentaire…etc, dans une démarche collective ,non marchande, et de lutte contre les oppressions.
Nous vivons une étrange période :
- Où l’on rend les pauvres responsables des difficultés budgétaires alors que l’on autorise les riches à l’évasion fiscale, qu’on baisse leurs impôts – voire les supprime – et qu’on subventionne par centaines de milliards les mêmes banques qui ont failli provoquer l’effondrement de l’économie mondiale et finiront par y arriver.
- Où l’on a pas de mots assez durs pour ces fainéantes d’assistées qui ne veulent pas travailler alors qu’on licencie à tour de bras.
- Où l’on réprime les modes de vie qui cherchent d’autres voies que la consommation et le bétonnage ; sous prétexte qu’ils sont marginaux, hors normes, alors que nous vivons une catastrophe écologique qui ne fait qu’empirer.
- Où l’on applaudit un Etat qui préfère laisser crever des gens à ses frontières plutôt que de les laisser entrer alors même qu’il est largement responsable de la misère qui les a fait venir.
- Où l’on ne retient d’un rassemblement festif – affirmant le droit de vivre ses orientations sexuelles sans se cacher et ce, même en milieu rural, où les pressions sont souvent plus fortes – que les débordements de peinture qui furent lessivés en une journée.
- Où l’on suit avec ardeur les politicards les moins scrupuleux ; ceux qui font appel à nos plus bas instincts : la peur, le rejet, la haine… alors que cela ne peut nous mener qu’à des bains de sang.
- Où l’on se réjouit publiquement que des vies soient brisées, que des espaces de liberté et de solidarité soient fermés, alors que l’on crève de solitude et d’isolement.
Le tribunal a décidé l’expulsion de la borie ne laissant qu’un délai de 2 mois. Délai trop court pour les récoltes ce qui signifie la mise en faillite des agriculteurs.
Cette expulsion constitue une mise au pas de plus, comme la chasse aux habitats hors normes,et la répression des mouvements sociaux. C’est aussi la fermeture d’un espace dont l’usage est resté commun à toutes celles et ceux qui le voulaient tout au long de ces années.
C’est un pas de plus dans cette marche forcée du libéralisme économique qui ne supporte plus ni critique ni contestation et qui nous mène tout droit à un avenir de détresse sociale et de destruction environnementale toujours plus intense.
Au-delà du jugement, c’est une question de société qui se pose à toutes et tous.